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mardi 2 mars 2021

Hier notre choix s'est tourné vers la pente raide ce qui nous amena en Cerdagne, au Cambre d'Aze. Le soleil culmine sur le plateau qui n'a rien perdu de sa superbe.


Les élevages de Mérens nous conduisent, pas à pas, sur le parking accidenté d'Eyne. Nous avons retrouvé Guillaume, un ancien du groupe alpi. Il est accompagné d’un ancien du groupe alpi Languedoc Roussillon, Etienne. Quel plaisir de constater que le groupe est avant tout une belle et grande famille de montagne. Sa bonne humeur nous a fait prendre le vent sur la crête sommitale qui surplombe à l'ouest du cirque du Cambre d'Aze. La vue est hors du commun. Comme ils se hâtent à le dire, c’est peut être la plus belle montagne du monde. Nous parvenons ainsi au ressaut final du couloir du Vermicelle. Notre système de la récompense s'est activé sans restriction dans un 45° en parfaites conditions : POW POW ! Puisqu'il nous restait des cartouches, nous avons estimé nos forces dans les blocs de Targassonne, encore un haut-lieu Cerdan qui nous éclabousse par sa beauté.

Nous rentrons à mesure que le soleil s'éteint. Autour de la table, c'est ambiance soupe et au lit.
Le lendemain, au petit déjeuner, Agnès est stupéfaite par la taille disproportionnée des chocolatines ariégeoises. Les sacs faits la veille, nous nous sommes donnés rendez-vous en face de l'hôpital du CHIVA. A cette heure-ci, les collègues font les transmissions du matin. Le soleil irradie le pare-brise mais, dans le Vicdessos c'est une autre affaire. Une affaire grisée. Le ciel est bâché. Sur l'approche escarpée des flocons viennent nous rappeler que malgré la vapeur qui se dégage de nos épaules, c'est bien l'hiver. Après une semaine dans les Alpes, nous sommes enthousiastes à l'idée de braver la raideur de nos montagnes ariégeoises, proportionnellement à la taille des chocolatines en somme. Nous tombons une couche. Puis, deux. Puis, trois. Puis, on finit torses nus (sauf Agnès, je vous rassure).
Au pied du pic rouge de Belcaire, l'éperon Bach se dresse devant nous comme César trône le Coliseum. Dans l'ombre, nous devinons l'arête du Montcalm dans un tapis de nuages filandreux. Les flocons s'intensifient parallèlement à notre concentration. Nous sommes éclairés par les rayons du soleil qui percent le toit de vapeur qui nous accompagne. Seuls quelques névés persistent au Sud, sinon c'est sec, sec, sec.
L1, belle longueur pour se chauffer ! La L2 commence par une belle traversée sur la gauche. Puis vient un pas plus physique nécessitant de mettre les pieds de part et d'autre de la fissure, chose que je n'ai pas faite : gros bourrin Michel ! Le relais assis fait du bien. Le vent du sud vient nous fouetter le visage et nous rappeler que les nuages sombres viennent droit sur nous. Nous hâtons la grimpe. La L3 est tout en douceur. La L4 est plus musclée : nous montons dans une vieille cheminée bien austère pleine de lichen. Nous devons jouer des coudes, centimètres par centimètres, jusqu'à atteindre une bonne prise main droite qui nous hisse de ce mauvais pas gazeux. AMBIANCE ! Les nuages bas sont maintenant parmi nous. Au relais, nous ne produisons pas un seul mot. Seul le rugissement du torrent nous tient compagnie. Dans les passages grimpant, le silence d’église est rompu par les respirations bruyantes des seconds de cordée. Nous évoluons dorénavant en corde tendue sur la L5 et L6, en mode course d'arête : FAST AND LIGHT, comme dirait Toto. C'est peu saillant de part et d'autre du fil mais c'est full gaz derrière. Soudainement, un bruit métallique se rapproche : shhhting, shhtiiing, shtiiiiiing.
- "attention, mousquetooooon".
(une photo a été prise à l'instant t, ce qui nous aura valu un beau fou rire en fin de course)
Nous parvenons au sommet à 15h47, un peu à la bourre mais super heureux. Après quelques pas de désescalade, nous glissons dans les grandes et belles pentes de neiges orangées par le Sirocco, piolet à la main. Le sentier serpente entre les Orris et les pâturages pour nous conduire au travers du petit village d'Artigue, magnifique bastion fait d'ardoise et de bois.
Pour couronner la journée, nous nous faisons interpeller langoureusement par la maréchaussée au rond point de Tarascon qui avait décidément que cela à faire.
Au total, les peaux, les chaussures de ski et d’alpi sèchent sagement devant le radiateur, patientes, avant le week-end prochain. Fatigués et penauds, nous rentrons tous dans nos logis pour nous restaurer de victuailles et trouver un repos bien mérité, sans oublier que les prochaines aventures des blaireaux reviennent bientôt.